P.S. souvent je continue les anciens articles. Il n'y a pas toujours un nouveau onglé quand je poste quelque chose.




Cette semaine c’est une semaine de folie car on a 5 jours de vaccination, il y a 7 sites en tout et moi j’en supervise deux d’entre eux. En plus dans l’équipe il n’y a plus que moi et le chef de projet car le logisticien est parti a Bria pour deux semaines pour faire une exploration en vue de notre déménagement; et que l’administratrice n’a pas été remplacée. Du coup je me retrouve à faire infirmière – administratrice – et superviseuse du assistant logistique. Ça me fait vraiment une grosse semaine, mais c’est génial car j’ai plein de responsabilités et je suis super occupée.

Levée est à 5h10 pour être au bureau à 5h40 pour préparer les vaccines, le chargement de voitures, les per diem, donner le matos à tout le monde et surtout ne rien oublier (c’est là la difficulté), du coup je me retrouve avec plein de listes avec les trucs à faire mais j’ai perd les listes, alors j’ai arrêté les listes :)  A 6h30 c’est le grand départ en convoi avec 4 voitures, puis au fur et à mesures on se sépare pour que chaque un rejoigne sons site de vacci. Là, ’est installation, lancement de vacci, attente des mamans, rangement du matériel et retour à la base soit en convoi soit chaque un de son côté. Quand on arrive de retour à la base il est généralement entre 15 et 17h ; et puis il y a encore tout à préparer pour le lendemain : reconditionner le matériel, les chaines de froid, les vaccins,… Il faut voir aussi s’il n’y a pas de problèmes avec les voitures pour le lendemain (moi qui s’occupe de voitures la bonne blague :) ) Ça c’est la partie du boulot que je fais avec mon magasinier et l’assistant log. Et puis il y a encore toute la partie administrative : encodage d’une tonne de datas, préparation des per diem, des horaires, encodage d’heures, et blablabla… Bref je n’ai pas de quoi m’ennuyer. Quand je rentre à la maison c’est bière, douche, manger et au dodo c'est-à-dire il est 20h30, grand max 21h.

Heureusement que j’ai une bonne équipe et qu’ils connaissent leur boulot car je peux leur déléguer les choses à faire. Il faut toujours garder un œil sur ce qu’ils font car les boulettes arrivent vite. Mon magasinier qui se charge de préparer les vaccins pour le lendemain, me les a effectivement préparé sauf qu’il n’a pas mis assez. Il en a mis 400 au lieu de 500, ça peut paraitre pas grave mais ça l’est enfaite car il a fallu faire un approvisionnement d’urgence car celle qui était sur le site n’avait pas assez de vaccins. C’est ça fait mais c’est aussi de la mienne car j’aurais dû vérifier. Mais je lui a passé un savon car c’est déjà la deuxième fois que ça arrive depuis que je suis ici.

Enfaite la vacci (ou peut être tous les projets msf) c’est problème sur problème et ce que moi je dois savoir régler les problèmes. Sur un de nos sites on devait vacciner dans une église. On arrive le matin et qu’est-ce qu’on trouve dans l’église ? Un mort ! Ils mettent les cadavres soit chez eux soit à l’église pour leur rendre un dernier hommage, imagines un corps qui se décompose pendant 24h sous 45 degrés de chaleur. Bref il nous faut un autre endroit pour la vacci, on se rabat sur l’école, mais ce n’est pas vraiment adapté c’est trop petit, trop bruant, pas d’endroit à l’ombre pour les mamans, etc. On espère vraiment qu’ils auront dégagé le cadavre pour le lendemain.

Puis il y a un souci avec le chauffeur. Notre chauffeurs c’est cassé la gueule en moto et il a une entorse du genou et il ne peut pas venir travailler. On demande au projet régulier de nous ‘’prêter’’ un chauffeur pour 4 jours, le temps de dépanner. Pas de souci le lendemain on a un chauffeur. Sauf que le jour après ce chauffeur prêté il nous dit qu’il ne peut pas venir travailler car sa sœur est décédée (elle a fait une crise d’épilepsie et elle est tombée dans le feu), donc il nous faut quelqu’un d’autre, du coup je me retrouve à engager un journalier (= intérimaire) mais qui ne connait pas très bien la route ni la région, …

Sur le site de vacci une maman me ramène son bébé de 11 mois, quand elle me le montre je pense qu’il est déjà mort, ‘’il ne va pas bien madame’’ me dit-elle. Aaa ça pour ne pas bien aller il ne va pas bien du tout ! Malnutrition sévère, teste palu positif, anémié, zéro réaction, température, il respire comme une chaussette, plus de 200 de rythme cardiaque,… Je ne suis pas sûr d’avoir le temps de le ramène à l’hôpital, je pense qu’il mourra dans la voiture, mais on va tenter quand même. Je laisse tout, je désigne un chef d’équipe à qui je dis que s’il manque n’est ce qu’une seringue c’est lui le responsable, on embarque la maman et on trace à l’hosto. Tracer est un grand mot sur ces routes défoncés où on ne dépasse jamais 60km/h. Bref j’arrive avec le petit encore en vie. Ma collègue de l’hosto me regarde avec un air « celui-là il est déjà mort ». Le lendemain j’apprends que le petit est en soir intensifs et toujours en vie… Peut-être que celui-là il s’en sortira ? Enfin c’est la joie !! Des exemples comme ça j’en ai par dizaines et franchement je fini par en rire. C’est gaye car le projet avance, on bosse dure mais il y a une très bonne ambiance et on veut tous arriver enfin à finir la vaccination à Paoua.

D’ailleurs il pleut de plus un plus, les routes deviennent difficilement praticables même s’il faudra encore beaucoup de pluie avant d’arrêter nos 4x4. Mais c’est une donnée a vraiment prendre en compte car les mamans ne viennent pas s’il pleut, il faut savoir les mettre à l’abri s’il pleut etc. Rien à voir mais c’est une anecdote ; l’autre jour il y avait un énorme orage, ça a fait péter tous les plombs y compris ceux de soins intensifs. Pas de bols, le seul patient qui y était c’était un membre du staff local et il est décédé car sans électricité il n’avait plus d’oxygène. On est retrouvé pendant plusieurs heures dans le noir et on entendait au loin des femmes crier et pleurer à cause de ce décès. C’est assez glauque comme soirée, du coup on se fait une énorme tablette de chocolat a 5 ( merci Tangi ) pour se remonter le moral.


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Vous êtes beaucoup à me demander comment je vais moi, comment se passe la vie avec les autres, s’il y a des conflits, etc. C’est comme je le disais au début, il y a toujours et encore deux groupes ; les blancs d’un côté et les noires de l’autre. Mais ce n’est pas grave, on s’y est fait. On s’entend tous très bien mais c’est juste qu’on ne passe pas les soirées de la même manière et on ne va pas se forcer à rester tous ensemble.

Dans le groupe de ‘’blancs’’ on est 5 : moi, Anne-lise, Dorothée, Myriam et pierre et on s’entend tous très bien. Je ne dis pas qu’on est les meilleurs amis du monde et se confier tous les secrets mais la cohabitation se passe très bien et on passe des bonnes soirées à regarder des films, râler sur tout et tout le monde, tricoter ou encore jouer aux jeux de société. Moi dans tout ça je me sens très bien.

Il y a des jours ou c’est mieux que d’autres car je dois prendre beaucoup sur moi pour arriver à garder une bonne entente avec mon chef. C’est ce genre de personnes qui sait tout, qui a déjà tout vécu, qui pend les décisions et ne fait que t’en informer. Et c’est vrai il connait beaucoup de choses et a déjà fait pas mal de missions, mais ce n’est pas pour autant qu’il sait tout, qu’il ne se trompe jamais et que moi je suis la dernière des débiles qui ne sait rien. J’ai fait profil bas pendant deux mois pour vraiment comprendre comment se passent les choses mais maintenant j’en ai un peu marre de dire ‘’oui oui’’ et ça devient un peu plus tendu. Et plus il me dit tout le temps que je dois me reposer, que ‘’ je ne peux pas sauver le monde’’, et que je suis vulnérable parce que je suis une fille,… Ça m’exaspère à un point !!!!!

Si non j’adore ce que je fais ici, j’adore être le patron de moi-même, gérer plein de choses à la fois, avoir une équipe où chacun met du sien pour que les choses avancent dans le même sens. Ca me fait toujours les frissons quand sur la route je croise des mamans qui vont vers nos sites de vaccinations. Elles font des heures de marche avec un gamin devant, un derrière, un sac de riz sur la tête et mais elles savent que c’est important de venir, que ça peut empêcher leurs gamins de mourir (au même temps elles veulent aussi le savon gratuit :) ). C’est assez touchant, et au même temps je ne peux pas m’empêcher de penser à quel point nos petit tracas d’européens sont insignifiant quand je vois ce que les gens d’ici vivent ici… Je ne blâme personne, car c’est notre manière de vivre, « notre société », notre éducation et nos habitudes qui font ça mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un sourire quand je vois sur Facebook : « vie de merde, mon train est en retard de 5 min », « nouvelle coupe de cheveux pour mon chien »,  « soirée de merde, pas de connexion internet »,…. Mais de l’autre côté heureusement qu’il y a ça, heureusement que tous les pays ne s’entretue pas et ne sont pas de mouroir mais il faut vraiment se rendre compte de la chance qu’on a de ne pas vivre dans un pays en guerre. Mais ne vous inquiétez pas je vais bien et je me plais beaucoup ici c’est juste que c’est un monde diamétralement opposé à notre monde.

Je pense que vous avez compris qu’ici les gamins (et les adultes) meurent tout le temps et j’ai du mal à comprendre comment ils arrivent à s’en remettre si facilement. Ici ils pleurent leur mort un jour et puis c’est fini, ils retournent à leurs occupations des tous les jours. J’ai discuté avec une de mes équipes d’un petit village où on vaccinait et un des gars me demande, « mais enfaite pourquoi vous vaccinez nous enfants ? », je lui dis que « c’est pour qu’il soit en bonne santé, qu’ils ne meurent pas des maladies qu’on peut éviter ». Et c’est là qu’il me dit « mais s’ils meurent on en fera d’autres ». C’est un peu le discours improbable, politiquement incorrecte de chez nous. Donc je lui dis « mais tu seras triste que ton enfant meurs », il me dit « oui mais c’est comme ça, on pleure et puis ça passe ; et c’est que Dieu l’a appelé. Vous les blancs vous pleurez nos enfants plus que nous, il ne faut pas être triste », je lui dis que chez nous les gens tombent malades de tristesse (dépression) et là ils se mettent à rigoler en me disant que chez eux ça n’existe pas….

Et c’est ça que j’aime aussi ici. C’est d’être confronté à des situations totalement improbables chez nous. De pouvoir discuter des choses sans tabou, d’une façon très simple. C’est des discussions qui sont très enrichissante. Et même si en tant que blanc on sait que quelque part dans le monde la vie est comme ici, difficile, et avec les gens ont une espérance de vie de 47 ans, on n’y pense pas, on en pose pas les questions. C’est un peu comment les gens qui meurt de faim, on se dit que c’est bien triste, qu’il faudrait faire quelque chose le soir on va se goinfrer avec un gros steak… Et c’est comme ça, c’est notre moyen d’auto défense et de ne pas passer sa vie dans la culpabilité…

 Allé j’arrête :)