Pour occuper le temps je me suis lancée dans une formation pour mes 3 superviseurs. Tous les 3 voudrais avoir une formation sur la malnutrition, l’anesthésie, la pédiatrie, la néonatalogie, sur l’informatique, bref un peu de tout et surtout des choses qui dépassent mes compétences. Il y a des formations qui se font en France mais les places sont très chères est c’est très sélectif. Pour la formation en pédiatrie il y a 12 places alors qu’il y a des centaines des postulants et franchement les priorités ne sont pas données au staff local. Du coup je me suis dit que sur la malnutrition je pouvais donner une formation vu tout ce que j’ai appris en médecine tropicale. C’est la première fois que je me lançais dans une affaire pareille car les exposer qu’on fait pendant les études je trouve que ce ne compte pas ; généralement c’est des exposés bouclés en deux-deux histoire de dire quelque chose et ne pas se faire péter. Donc j’ai fait deux jours de recherches intensives en comparant avec ce qu’ils font ici à l’hôpital et j’ai fait mon power point. Et puis il n’y avait plus qu’à y aller !!!

Et ban finalement ça c’est très bien passé, ils ne se sont pas endormis au bout d’une heure, ils ont su faire les exercices que j’ai prévu à la fin (merci IMT) et j’ai même quelques collègues qui sont venus voir ce que je racontais. Ils sont été émerveillés devant la technique de la double succion (aide pour allaitement)! Je leur ai même sorti le grand jeu avec les biscuits, café, tripes d’un animal non identifié etc. Bref ils redemandent plus mais sur des sujets ou je suis un peu dépassée. Mais c’était très chouette même pour moi car il y avait une discussion sur les réalités entre la théorie et la pratique, quand il y a un infirmier pour 26 enfants en soins intensifs, on peut avoir toute la bonne volonté pour améliorer les choses mais ça reste très compliqué. Autant vous dire que le taux de mortalité n’est pas le même qu’en Europe ; à Paoua on est à 9%, il faut bien réaliser que ça veut dire que 9 enfants sur 100 ne sortent pas vivants de l’hôpital.  Chez nous un tel hôpital serait fermé depuis bien longtemps ! Il y a des morts tout le temps autant chez les enfants que chez le personnel avec le qui on travail, ou des gens lambda et c’est comme ça, c’est « normal ». Comme ils disent ici ce n’est pas pour ça qu’il faut pleurer ou être triste. Il y a énormes de morts qui pourrait être évité mais les parents ramènent leurs enfants quand il est trop tard, parfois ils les ramènent même mort et attendent à ce qu’on fasse quelque chose. L’autre jour on avait un enfant avec 1 d’hémoglobine, UN !! On peut plus faire grande chose pour eux. Et c’est comme ça.
Hier il y a un camion qui est tombé du pont dans la rivière. Ici les camions transportent les gens ; qui sont comme des sardines dedans, il peut avoir une bonne centaine de personnes dedans. Et ban ca n’aide pas à sortir du camion. L’accident est arrivée à plus de 150km de Paoua mais on reste l’hôpital le plus proche, du coup on a vraiment le temps de se préparer à l’arrivée de blessés (s’il en reste), les premiers sont arrivées après 6h et les autres sont arrivés que le matin car il n’est pas possible de rouler pendant la nuit en moto. Ici pas d’hélico, ni d’ambulances, ceux qui arrivent vivants ici, auront peut-être une chance de vivre. Et c’est comme ça. Ce matin on a déjà reçu plein de demandes de congé de circonstances de nos équipes car la plupart a perdu quelqu’un dans l’accident…  

Passons aux choses plus gaies !! Depuis lundi on a repris nos activités !!!!! Youhouuuuuuu !!!!! Il était vraiment temps, car je commençais à devenir folle, c’est tellement frustrant de voir tout le monde bosser et moi qui suis là à servir a rien. On faisait un aire de santé avec trois sites de vacci, donc un superviseur par site. Mais le problème c’est que un de mes superviseurs était parti à Bangui et est resté coincé à Bangui car l’avion ne volait pas à cause du mauvais temps et pas d’autres avions avant jeudi (le jour de fermeture de sites de vacci J ) ; du coup c’est moi qui vais superviser le site pendant trois jours. D’un côté ça m’arrange car au moins je serais sur le terrain de A à Z. Je faisais un site  où on attendait plus de 850 enfants sur 3 jours et qui se situe à 1h30 de Paoua. On vaccinait dans une espèce d’église en paillasse dans un très mauvais état ; équipe était plutôt cool mais c’est pareil qu’à chaque fois il faut vraiment être derrière sinon ils font n’importe quoi. C’est pareil sur tous les sites quand ils regardent le calendrier vaccinal c’est comme s’il fallait avoir un QI de 600 : il y a trois vaccins et un seul truc qui change pour un d’entre eux, le PCV 13 c’est 2 doses après 1 an et 3 doses avant 1 an. C’est du chinois pour que, mais ça permet de réaliser que l’école c’est vraiment nécessaire et que ça stimule la réflexion.   Et bien sûr ils disent oui mais tu sais très bien qu’ils n’ont rien compris ou alors c’est le seul mot qu’ils connaissent, mais ce n’est pas grave ; on est patients et on fait avec. La première journée c’est très bien passée, plus de 450 gamins vaccinés en 6h30.


Le deuxième jour était plus catastrophique. Déjà au départ à 6h30 le ciel était bien gris et ca sentait la pluie, je me suis dit qu’on n’allait pas y échapper. Mais comme j’étais dans cette paillasse je me suis dit qu’il allait falloir s’organiser pour que les mamans ne restent pas à l’extérieur sous l’orage. J’ai fait ma fille organisée et je demande au logisticien de ce qui est prévu s’il y a la pluie. Il me dit qu’il faut que je pousse les tables un peu vers le fond, je fais rentrer les mamans à « l’intérieur », et qu’il y a juste dans un coin où ça risque de fuiter. Ok cool. Il fait de plus en plus noir, les nuages sont vraiment impressionnants et il devient compliquer de travailler car il n’y a plus de lumière. L’équipe me demande si je sais installer la lumière car ils ne peuvent pas travailler, mais non désolée je n’ai pas un générateur dans ma poche.  Je fais rentrer les mamans à l’intérieur, bien sûr c’est quasi la bagarre car elles veulent toutes passer les unes avant les autres. Et puis il se met à pleuvoir, mais ce n’est pas un orage, c’est un méga orage avec des tonnes d’eau qui tombent par seconde (j’exagère pas du tout). Mais le problème c’est que le toit fuitait pas à un « petit » endroit, mais c’est que le toit était complétement perméable !!!  J’enlève le toit c’est pareil. et en plus parce que ce n'est pas assez drôle, le niveau d'eau monte au sol, le terre est tellement sèche que rien n'est absorbé en en 10 minutes on a les pieds dans l'eau! Du coup c’est la cata, il pleut sur tout le monde, sur toutes les affaires, sur les vaccins,… Une galère !!! Il faut agir et vite ; on prend un carton et je leur dit de balancer tout dans un carton et on charge vite dans la voiture. Pas de souci ils fautent tout dans le carton (seringues, feuilles, bics, cartes de vaccinations, etc….), sauf qu’au lieu de mettre les affaires dans la voiture c’est eux qui montent dans la voiture !!!! Bordel. Mais non sortez de là, c’est les affaires qu’il faut mettre et pas vous. Ils sortent mettent les affaires puis grimpent sur les affaires. Il faut imaginer qu’on est déjà intégralement trompés, un 4x4 blindé de matos de vacci avec 15 types couchés dessus ; je pense qu’on savait plus y caller une boite d’allumettes. Du coup on va dans l’école qui est à 50m de là et on décharge tous ces hommes et je leur dit que je suis  désolée mais que ce n’est pas possible de travailler dans les conditions pareilles et que je rentre. Car le problème dans les situations comme ça c’est que les affaires « disparaissent », malheureusement il faut tout garder à l’œil si non les choses (vaccins, savons, bics, etc.) sont volés et en plus tout est trompé. Mais le deuxième problème plus grave c’est qu’il restait des mamans qui venaient de loin et ce n’est pas sûr qu’elles reviennent demain.

Je suis quand même assez énervée sur les logisticiens car s’il y avait une bâche sur le toit c’est un souci qui aurait pu être évité et en plus j’ai demandé comment ça se passait en temps de pluie. Mais avant de pouvoir avoir des explications il y avait encore 1h30 de route, sauf que la route défoncée s’est transformé en marécages. Quand on passait à travers certaines « flaques » (ou plutôt bain de boue) ma portière était dans l’eau. Il y avait des moments où je me disais qu’on ne passera pas mais mon chauffeur me disait on était large. Ok si tu le dis. Tant bien que mal on est rentré à Paoua. Je demande à Abou mais pourquoi il n’y avait pas la bâche, et il me dit mais comment ça il n’y avait pas la bâche ? Enfaite il aurait dû avoir un bâche mais l’assistant log a oublié…. Bref il a eu un sacré savon d’Abou. Puis je ne vous dis pas la galère de compter, vérifier, sécher tout le matos. Du coup le lendemain on est parti avec les bâches, on les amis sur le « toit » et bien sûr il faisait 50°, aucun nuage à l’horizon. J’étais super contente de voir que les mamans que je n’ai pas pu vacciner hier était là. Enfaite elles sont venues d’un village à 25 km de là et elles ont dormi sur place plutôt que de faire un aller-retour, ce qui peut se comprendre.

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Pougol (là où on faisait la vacci) est la base arrière d’un des bandes de militaires (les ex-séléka). Ça  veut dire que c’est eux qui dirigent le village, qu’ils sont armés de la tête au pied et qu’ils ont leur manguier où ils se reposent à genre 20m de l’endroit où on vaccine. Au premier abord da fait vraiment bizarre et ça fous les boules, mais on finit par s’y faire. Finalement ils font partie du paysage et ils n’ont rien contre nous. Un jour le chef du centre de village vient me chercher pour me dire qu’un de ces types à un problème. Donc je vais au centre de santé et je me retrouve avec ce type bien armé, le chef de centre et on m’explique que le type s’est fait opérer d’une appendicite il y a 5 mois et qu’il a toujours mal. Ok et tu veux que je fasse quoi ? En plus le gars il a déjà été dix jours sous deux antibiotiques, il bouffe du paracétamol depuis un mois la cicatrice nickel de l’extérieur, pas de température, … C’est un peu impressionnant parce que je ne sais pas quelle pourra être la réaction du gars si je fais ou dis un truc qui ne lui plait pas. Donc je lui dis que je vais en parler avec ma collègue qui s’occupe habituellement de lui et qu’on appellera le chef qui lui dira quoi faire. Bien sûr c’est reporter le problème à plus tard mais au moins je protège mes fesses et je ne dis pas une connerie. Moi je pense que le mec doit retourner à l’hosto pour voir s’il n’y a pas un abcès, une collection interne ou un truc du style. Ma collègue me confirme que c’est bien ce qu’elle pense aussi et que ce mec doit aller à l’hôpital, mais le souci comme c’est les rebelles qu’ils viennent dans une autre ville ils vont se faire tuer, sauf s’ils viennent avec nous. Le faite d’être avec nous ça leur donne une sorte d’immunité mais la population risque de conclure qu’on travaille avec les groupes rebelles et qu’on prend position.
Je reviens le lendemain, et le gars m’attend déjà. Merde… Du coup je lui dis qu’il devrait aller à l’hôpital, il me dit que ce n’est pas possible, blablabla, bref il veut que je l’emmène à l’hôpital de Paoua. Mais ça, ça ne va pas être possible. De un car médicalement il n’y a pas urgence et de deux parce qu’on ne prend pas un mec armé comme ça dans la voiture, surtout sans accord du chef de projet, de mission et de la terre entière. Donc je me dis que je suis dans le merde et que le mec va mal réagir, mais enfaite pas du tout !! Il suffit de bien lui expliquer les choses et le mec a compris pourquoi on ne le fait pas… Et si un jour il se dégrade alors on viendra le chercher mais à ce moment-là on organiser un transport « déguisé », c’est-à-dire le mec on l’habille en civil, pas d’armes et on le fout sur une moto quelconque pour que la population ne se rend pas compte que c’est des rebelles et surtout aucun expat ne l’accompagne, comme ça nous les petits blancs on ne risque rien.

Voilà ma première expérience avec les groupes armés. Youpi.

Le niveau de violence entre les gens ici est vraiment démesuré: tu as volé mon mouton je te tue, tu veux te venger d’un mec tu pousses son enfant dans un puis où il meurt il y a des gamins de 15 ans qui violent des filles de 6 ans. L’autre jour c’était un enfant sans cœur et vidé de son sang qui a été retrouvé, il paraitrait que c’est de la sorcellerie. Mais mis à part ça Paoua est un lieu très agréable et sûr :)

Comme je m’ennuyais pendant le standby je me suis dit que j’allais donner un coup de main au comité de transfusion pour organiser une journée de don du sang. Comme on rentre dans le pic de palu, il y a énormément de transfusion car ça provoque des anémies le palu. Il suffit d’une réunion pour marquer les grenades lignes : où, quand, comment, avec qui, comment faire la sensibilisation, passer un massage à la radio, la chaine de froid, etc. La journée du don c’était dimanche ais les crieurs ont commencé la sensibilisation dès mercredi pour qu’on soit sur d’avoir du monde. Ça a tellement bien marché que je gens sont venu donner leur sang à l’hôpital avant même la journée de dimanche du coup on n’était pas complètement à sec au niveau de poche de sang. Enfaite les gens ont peur de venir car ils ne veulent pas savoir si oui ou non ils ont des maladies ; ça tombe bien car avec la journée qu’on organise s’ils ne viennent pas chercher leurs résultats nous, nous n’allons pas les envoyer. Apres ils y a bien sur les personnes qui ne veulent pas, qui ont peur, qui croit que c’est de la sorcellerie, etc. et en plus 25% de la population est touché soit par HIV, soit hépatite, soit syphilis, donc même sur un grand nombre de donneurs on risque de devoir jeter une bonne partie de prélèvements. Du coup on organise la journée, on commence à 8h, donc le réveille douloureux à 6h30 alors que le dimanche c’est le seul jour où on ne doit pas se lever, mais tant pis c’est pour la bonne cause. On attend 100 personnes max car après nos capacités de stockage vont être dépassée. On prépare tout dans un centre de santé qui est fermé le dimanche, on installe la sono pour attirer du monde et en « récompense » on leur donne des sardines, des préservatifs, du pain et un Coca. Bien évidement on est à la bourre mais quand tout est prêt il y a déjà trois personnes qui sont là pour donner leur sang !  Mon rôle était de faire le test d’hémoglobine, c'est-à-dire qu’il faut que je prélève une goutte de sang, je le mets dans un petit appareil et ça me donne le résultat.

On attendait le plus de monde à la sortie de l’église vers 10h et bien évidemment c’est à ce moment-là que le maxi orage est arrivé. Mais on ne parle pas de la petite plus belge on parle des torrents qui tombent du ciel. Donc bien sûr il n’y avait personne. Heureusement après le ciel s’est dégagé et on a eu énormément de monde, on a même du prolonger l’heure d’ouverture. Finalement on a eu 66 prélèvements donc c’est très très bien, ça permet de tenir le prochains 40 jours. Finalement on a dû jeter 14 (22%) poches car le sang était infecté.

Par contre on a fait des gros boulets au niveau de la conservation du sang. Pour nous tous c’était la première fois qu’on organisait un pareil événement et on gardait le sang dans un chaine de froid faite de grosses glacières (RCW 25) pour que le sang reste à max 8 degrés. Sauf que le petit détail qu’on n’a pas prévu c’est que les RCW allaient se réchauffer avec les poches des sangs et que les accumulateurs de froids n’allaient pas être assez puissants pour refroidir la glacière à la bonne température. On vérifie la température vers 18h pour voir si tout va bien, et là on voit que tout est à 15 degrés. La panique !!!! Ce serait vraiment con d’avoir tout ça pour rien et de devoir jeter les poches. C’est la cata, on essaye de trouver une solution de repli car il n’y a plus de frigo disponible à l’hôpital. Du coup on décide le libérer un frigo de la vaccination pour pouvoir y mettre le sang. Sauf que c’est le même problème : si on met 66 poches de sang à 15 degrés le frigo va se réchauffer aussi, mais on se dit qu’il va se refroidir aussi plus vite qu’une chaine de froid passive. Le résultat c’est que les poches étaient le lendemain en dessous de 8 degrés mais il faut encore la décision du coordinateur médical pour savoir si on peut utiliser les poches qui sont restés 12-15 heures à la mauvaise température. Bref tout ce fini bien et on ne devra pas tout jeter à la poubelle.